Arnaques à la cryptomonnaie : des épargnes envolées en fumée | Radio-Canada.ca (2023)

L’an dernier, une enquête des Décrypteurs et de La facture levait le voile sur une arnaque bien huilée qui lessive des milliers de Canadiens en leur faisant miroiter des profits substantiels dans le monde des cryptomonnaies.

Un an plus tard, la fraude se poursuit de plus belle, et ceux qui pourraient agir pour la stopper ne semblent pas pressés de le faire.

Johanne Gauthier rêvait de gâter davantage ses petits-enfants, mais avec un budget déjà serré, la nouvelle retraitée sait qu’elle doit arrondir ses fins de mois pour y arriver. La solution qu’elle a trouvée lui a plutôt fait perdre 250000$.

Il ne me reste plus rien. La seule chose que je n'ai pas touchée, ce sont mes REER, se désole-t-elle. J'ai les mains attachées, et là, je vais retourner travailler un peu.

L’histoire commence sur Facebook. Johanne Gauthier navigue sur le populaire réseau social quand une publicité attire son attention.

J’ai vu une annonce qui disait qu’Elon Musk permet aux gens de faire des sous avec la cryptomonnaie de manière extraordinaire, se rappelle-t-elle.

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Johanne Gauthier a cliqué sur une publicité semblable à celle-ci.Photo:Capture d'écran

La retraitée se laisse tenter par cette offre alléchante. Elle inscrit son nom et son numéro de téléphone, puis elle reçoit rapidement un appel d’un homme qui se prétend conseiller financier. Il propose de la guider dans ses investissements. On lui suggère de commencer en investissant quelques centaines de dollars.

Le conseiller financier était super gentil. On avait parlé de mettre d'abord un petit peu de sous tous les mois. Il m'avait demandé quels étaient mes objectifs et je lui ai dit que je voulais que mes fins de mois soient un peu plus agréables, raconte-t-elle. L’homme dit être à Toronto et s’exprime en français. Tous les échanges se déroulent au téléphone ou par écrit.

Il m’avait dit: "On peut se faire confiance, on va travailler plusieurs années ensemble, puis ça va bien aller, tu vas voir".

Johanne Gauthier n’entend consacrer qu’un petit montant d’argent à la cryptomonnaie, mais l’homme la convainc d’investir davantage pour maximiser les profits. La retraitée dispose alors des profits réalisés sur la vente de sa maison, soit environ 200000$. Elle mise le tout pour le tout et vire la totalité de l’argent qu’elle a dans son compte sur la plateforme d’investissement.

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Johanne Gauthier a perdu près de 250 000 $ dans une arnaque à la cryptomonnaie.Photo:Radio-Canada

En l’espace d’un mois, son investissement fructifie à vitesse grandV et dépasse le million. Johanne Gauthier, qui souhaitait simplement être un peu plus à l’aise financièrement, a de la difficulté à y croire. Je me dis: ah mon Dieu! C’est-tu vraiment à moi?

Les choses tournent au vinaigre lorsqu’elle demande au conseiller financier comment retirer des fonds. Il l’informe qu’elle devra payer plusieurs dizaines de milliers de dollars en frais et en impôts pour retrouver son argent, alors que son compte bancaire est vide.

Il m’a dit: "As-tu un ami qui peut te passer de l’argent?" Il m’a référé à deux compagnies financières qui pouvaient me prêter de l’argent et j’ai fait affaire avec elles. Je suis aussi allé chercher de l’argent sur ma marge de crédit, se souvient MmeGauthier.

Même après avoir versé la somme demandée, Johanne Gauthier ne peut toujours pas retirer son argent. Tout cela n’était qu’un écran de fumée; une arnaque, pure et simple. Elle y laisse environ un quart de million de dollars, soit les économies de toute une vie.

«C'était tellement vrai, tellement authentique. Quand je regardais ce qu’il montrait et écoutais ce qu’il me disait, je le croyais, ce monsieur-là.»

L’histoire de Johanne Gauthier recoupe celle de Fernand Larouche, révélée l’an dernier par La facture et les Décrypteurs. L’homme, victime d’un stratagème semblable, avait perdu un million de dollars. Et ils sont loin d’être les seuls:à l’échelle mondiale, ce ne sont pas moins de 10milliards de dollars qui ont été dérobés de façon similaire.

Et comme presque tous les gens qui sont dans la même situation, leurs espoirs sont minces de revoir un jour la couleur de leur argent.

Si la retraitée s’en veut aujourd’hui d’avoir été prise au piège, elle se demande pourquoi la publicité frauduleuse à l’origine de ses malheurs a pu circuler sans conséquence sur les réseaux sociaux.

Pourquoi est-ce que le gouvernement n'agit pas pour ça? C'est important. La santé des gens y passe, plaide-t-elle. Les fraudeurs doivent rire parce qu’il n’y a personne qui les empêche de continuer.

Un phénomène qui ne cesse de grandir

Les fraudes à la cryptomonnaie ont quasiment doublé au Canada l’an dernier. Selon le Centre antifraude du Canada (CAFC), les montants dérobés sont passés de 51,5millions en 2021 à 96,3millions en2022, et le nombre de victimes, de1729 à2759.

Et il ne s’agit que de la pointe de l’iceberg. Les autorités estiment que de5 à 10% seulement des victimes font un signalement. En plus, les montants mis de l’avant par le CAFC ne tiennent comptent que de ce qui a été dérobé sous la forme de cryptomonnaies.

En réalité, comme le résume dans un courriel le CACF, les montants réels perdus sont bien plus élevés.

Même son de cloche du côté de la Sûreté du Québec (SQ), qui constate une hausse du nombre de ces fraudes. On en voit depuis environ deux ans [et] je dirais que dans la dernière année, on en voit beaucoup plus, dit la sergente Andrée Dupuis, responsable d’équipe de la division des enquêtes sur la cybercriminalité.

(Video) La facture | Fraude aux cryptomonnaies : Facebook montrée du doigt

Néanmoins, que les autorités soient bien au courant de la situation n’empêche pas les fraudeurs de recourir encore aux mêmes procédés comme si de rien n’était. C’est en cliquant sur une publicité Facebook il y a deux ans, mettant en scène Elon Musk, que Fernand Larouche a fini par perdre un million de dollars. Or, depuis qu’il s’est confié à Radio-Canada, il dit avoir reçu de nombreux messages de victimes allant en ce sens.

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Fernand Larouche a perdu les économies de toute une vie, soit environ un million de dollars, après avoir cliqué sur une publicité frauduleuse sur Facebook.Photo:Radio-Canada

J'ai revu les mêmes publicités couramment depuis un an, et il y a encore des victimes. Ceux qui se sont fait avoir dernièrement me disent que c'est le même processus et les mêmes publicités qui ont servi à les arnaquer. Il semble que personne n'ait le moindre pouvoir sur Facebook concernant ces fraudes-là, dénonce Fernand Larouche.

«On est comme au Far West. C'est comme si les bandits se promènent et que le shérif n’est pas assez fort pour les arrêter.»

Radio-Canada a aussi constaté que les mêmes publicités frauduleuses qui circulaient l’an dernier polluent toujours la plateforme, et Elon Musk est, de loin, le personnage le plus en vue dans ces publicités. Mais d’autres figures canadiennes, telles que le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, le chef du Parti conservateur du Canada, Pierre Poilievre, ou encore la joueuse de tennis Leylah Fernandez y apparaissent aussi.

Dans les dernières semaines, nous avons même aperçu des publicités mettant en scène des personnalités radio-canadiennes, dont les animateurs de Zone économie, Gérald Fillion et Andrée-Anne St-Arnaud, ainsi que l’animateur de Tout le monde en parle, Guy A. Lepage.

Les publicités mènent habituellement à des articles qui usurpent l’identité de médias canadiens comme La Presse, CBC et The Toronto Star. Les internautes qui cliquent sur ces faux articles sont invités à laisser leur numéro de téléphone et leur adresse courriel afin de profiter d’une occasion d’affaires sans risque et extrêmement profitable.

De faux articles aux couleurs de La Presse mettant en scène Elon Musk sont omniprésents sur Facebook depuis plus d'un an.

Un faux article du Toronto Star mettant en scène le chef du Parti conservateur du Canada, Pierre Poilievre.

Un faux article du Toronto Star mettant en scène le premier ministre du Canada, Justin Trudeau.

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De faux articles aux couleurs de La Presse mettant en scène Elon Musk sont omniprésents sur Facebook depuis plus d'un an.Photo:Capture d'écran

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    De faux articles aux couleurs de La Presse mettant en scène Elon Musk sont omniprésents sur Facebook depuis plus d'un an.Photo:Capture d'écran

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    Un faux article du Toronto Star mettant en scène le chef du Parti conservateur du Canada, Pierre Poilievre.Photo:Capture d'écran

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    Un faux article du Toronto Star mettant en scène le premier ministre du Canada, Justin Trudeau.Photo:Capture d'écran

La société mère de Facebook, Meta, n’a pas voulu répondre à nos questions précises au sujet des publicités frauduleuses sur sa plateforme. Dans une déclaration écrite, un de ses porte-parole affirme que l’entreprise consacre des ressources importantes à résoudre le problème.

Nous nous efforçons non seulement de détecter et de rejeter les publicités frauduleuses sur nos services, mais également de bloquer les annonceurs et, dans certains cas, d'engager des poursuites judiciaires. Même si aucune solution n'est parfaite, nous continuerons à investir dans ce travail pour protéger les personnes sur nos plateformes contre ces escroqueries, déclare-t-il.

Pourtant, une simple recherche du mot Elon dans la bibliothèque publicitaire de Facebook permet de trouver plus d’une centaine de publicités actives mettant en scène le célèbre homme d'affaires et utilisant les mêmes stratagèmes d’investissement frauduleux. Certaines sont en ligne depuis des semaines et sont en tous points identiques à celles que nous avions identifiées l’an dernier.

Meta a retiré les publicités que nous lui avons signalées. Toutefois, des dizaines d’autres sont encore en ligne, et de nouvelles mettant en scène Elon Musk continuent d’apparaître tous les jours. Et encore, elles ne circulent pas que sur Facebook. Au cours des derniers mois, nous avons pu en apercevoir sur YouTube, Google, Twitter, Instagram et même dans l’application d’apprentissage linguistique Duolingo, dont les publicités sont servies par Facebook.

Joint par notre équipe à propos des fausses publicités qui usurpent l’identité de sonPDG, Elon Musk, et qui circulent sur sa plateforme, Twitter a répondu par courriel avec un simple émoji: 💩

Peu d’espoir chez les victimes

Au moment des faits, Johanne Gauthier et Fernand Larouche ont porté plainte à la police, mais le temps a passé, et ils se sont faits à l’idée que les centaines de milliers de dollars qu’ils ont perdus dans cette arnaque ne seront probablement jamais récupérés.

Mes espoirs sont faibles parce que là, on m'a dit que l'argent était parti à l'étranger, dit Johanne Gauthier, résignée.

(Video) Inflation, dette, krach… Une reprise à haut risque #cdanslair 20.05.2021

La réponse qui nous est donnée, c'est: ne comptez pas trouver votre argent, c'est trop compliqué, résume Fernand Larouche, qui se sent bien seul avec ses problèmes. Le mot, ce serait: abandon.

La responsable d’équipe de la division des enquêtes sur la cybercriminalité de laSQ, Andrée Dupuis, assure cependant que certaines victimes de cette arnaque ont pu récupérer leur argent avec l’aide de la police. Cependant, elle n’a pas été en mesure de chiffrer le phénomène, citant la confidentialité des dossiers.

Il reste que ce type d’enquête est complexe: l’arnaque est bien organisée et les fraudeurs sont souvent à l’autre bout du monde. Dans un tel contexte, la prudence est de mise. Les autorités insistent toutes sur l’importance de bien s’informer avant d’investir, notamment de vérifier si l’entreprise avec laquelle on fait affaire est enregistrée auprès de l’Autorité des marchés financiers (AMF) (Nouvelle fenêtre), et de signaler les escroqueries au Centre antifraude du Canada (CAFC).

Sans vouloir blâmer aucune victime, toutes les fois où je lis des déclarations de victimes et que je regarde ce qui s'est passé, il y avait plusieurs drapeaux rouges. Il faut se tenir informé, et c'est facile de se tenir informé des stratagèmes en place, notamment sur le site web du Centre antifraude du Canada, ajoute la sergente Dupuis.

Pour le professeur de droit à l’Université de Montréal Pierre Trudel, renvoyer la responsabilité dans la cour des personnes fraudées n’est pas approprié. C'est beaucoup demander aux victimes lorsqu'on dit: "Elles auraient dû vérifier, elles auraient dû aller voir". On a affaire à des arnaques qui dépassent de loin les capacités de l'individu moyen de voir qu'il a un problème, de considérer qu'il a peut-être quelque chose qui cloche, fait remarquer celui qui a récemment coprésidé un groupe de travail fédéral sur la sécurité en ligne.

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Le professeur en droit Pierre TrudelPhoto:Radio-Canada/La Facture

En fait, ce type de discours des autorités lui rappelle celui qu'on faisait aux femmes victimes d’agressions sexuelles il n’y a pas si longtemps. On disait: "Elle aurait dû s'habiller autrement, de manière moins, entre guillemets, provocante. Elle a couru après". C'est ce qu'on entendait il y a quelques années et qu'on entend moins, Dieu merci.

Akim Laniel-Lanani, directeur de la Clinique de cyber-criminologie de l’Université de Montréal, est aussi fâché lorsqu'il entend ce genre de propos. On rejette le blâme sur la victime et on la victimise à nouveau. C’est donc normal que la personne ait honte, résume-t-il.

«On ne devrait jamais ressentir de la honte après avoir été victime d'un crime. Ce n'est pas de notre faute, ce n'est pas nous qui avons décidé de subir ça.»

Le chercheur n’est lui-même pas resté les bras croisés puisqu’il a lancé, dans le cadre de son travail, le site web Fraude-Alerte.ca (Nouvelle fenêtre), qui offre un accompagnement personnalisé aux victimes de fraude, en plus de sensibiliser les gens quant aux fraudes qui circulent, notamment grâce aux signalements du public.

C’est qu’il est périlleux de compter sur son seul flair lorsqu’on se renseigne sur Internet. On risque de tomber de piège en piège, car les sites malveillants y pullulent. Il n’y a qu’à penser a Quantum AI, une plateforme d’investissement en cryptomonnaies frauduleuse bien connue. Lorsqu’on effectue une recherche dans Google afin d’en vérifier l’authenticité, on tombe sur une série de liens commandités qui promeuvent en fait ce qui n’est rien d’autre qu’une arnaque.

Nous avons incidemment signalé à Google ces publicités malveillantes, qui nous a assuré qu'elle lutte contre les abus et la fraude. Or ces publicités sont jusqu’ici toujours en ligne.

La fraude, un enjeu non prioritaire pour les autorités

Selon plusieurs experts consultés, l’inaction des autorités face aux fraudes s’explique par le fait qu’elles choisissent tout simplement d’accorder davantage d’importance et de ressources à d’autres dossiers.

Quand on parle de criminalité financière, ce n'est pas une priorité pour les policiers parce que, physiquement, la victime est bien, elle est en sécurité, dit Akim Laniel-Lanani. Selon lui, les forces de l’ordre se concentrent surtout sur les crimes sur la personne.

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Akim Laniel-Lanani est le directeur de la Clinique de cyber-criminologie de l’Université de Montréal.Photo:Radio-Canada

Chez les décideurs, il existerait aussi une croyance selon laquelle quand c'est sur Internet, on ne peut rien faire, estime le professeur de droit à l'Université de Montréal Pierre Trudel. L'état d'esprit dans beaucoup d'organismes publics, c'est de se croiser les bras et d'attendre que les plaintes arrivent. Et s'il n'y a pas de plainte, on pense qu'il n'y a pas de problème.

Or, selon Pierre Trudel, les autorités se doivent d’être proactives en obligeant des plateformes comme Facebook à mieux identifier les risques et à investir dans la sécurité des utilisateurs, et les pénaliser de manière significative si elles ne le font pas.

La motivation à agir augmente un peu si on leur dit que si elles n’en font pas assez, elles devront indemniser les personnes qui ont subi des pertes en raison du fait que ça a pris trop de temps avant de déceler que telle arnaque circulait sur leur réseau, suggère le professeur de droit.

«On est des citoyens et on a le droit d'être protégés. Présentement, sur le web, on ne l'est pas.»

Les lois qui encadrent le monde numérique ont été conçues pour permettre aux plateformes de se développer sans qu’elles soient obligées de vérifier chaque morceau d'information que leurs utilisateurs mettaient en ligne, dit Pierre Trudel. D’après lui, cette approche laxiste a toutefois fait de ces espaces un véritable terrain de jeu pour les fraudeurs.

Je suis assez découragé de voir à quel point les politiques des États ont tardé à s'ajuster aux enjeux du numérique, dit-il. C'est dangereux pour le public, ça ne protège pas le public, ça met le public à risque de se voir dépouillé de ses économies.

Nous avons fait des demandes d'entrevues avec les ministres responsables de ces dossiers, soit les ministres fédéral et provincial de la Sécurité publique, Marco Mendicino et François Bonnardel, le ministre du Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez, et le ministre québécois de la Cybersécurité et du Numérique, Éric Caire. Aucun d’entre eux ne nous a accordé d’entrevue.

Le Bureau de la concurrence du Canada, qui a le pouvoir d’agir contre la fausse représentation et les publicités trompeuses, a également refusé notre demande d’entrevue parce qu’il est tenu par la loi d’effectuer [son] travail de façon confidentielle.

La Gendarmerie royale du Canada (GRC) nous a pour sa part référé au Centre antifraude du Canada, dont le mandat est de recueillir de l'information sur la fraude et fournir des renseignements à d’autres entités gouvernementales. Notons toutefois que le Centre n’a aucun pouvoir d’intervention directe.

Des discussions à l’international

Les choses semblent cependant vouloir commencer à bouger du côté des régulateurs financiers. En font foi, soutient l’Autorité des marchés financiers (AMF), les discussions récemment tenues entre des régulateurs d’un peu partout dans le monde et les géants du web en vue de réduire grandement la présence de publicités frauduleuses pour des produits financiers sur les réseaux sociaux.

Ce que nous visons, c’est que les grands joueurs en charge des médias sociaux interdisent toutes les plateformes de cryptos qui ne sont pas dûment enregistrées auprès du régulateur, a expliqué dans un courriel l’AMF. L’idée, résume-t-on, est d’avoir une approche concertée.

La Financial Conduct Authority, l’équivalent britannique de l’AMF, aurait d’ailleurs mis en place une telle mesure l’an dernier avec grand succès, selon le directeur général du contrôle des marchés de l’AMF, Jean-François Fortin. Il y a vraiment eu une diminution de l'offre de produits financiers illégaux sur les sites web en Angleterre, dit-il.

L’AMF n’a pas été en mesure de dire quelle était précisément cette mesure législative qu’elle souhaite voir importée ici. Nous n'en avons nous-mêmes trouvé aucune trace. Une nouvelle loi britannique (Nouvelle fenêtre) prévoit effectivement de telles mesures, mais elle n’a pas encore été adoptée au Parlement.

Une simple recherche avec le mot Elon dans la Bibliothèque publicitaire de Facebook fait d’ailleurs apparaître des dizaines de publicités pour des plateformes frauduleuses de cryptomonnaie visant les Britanniques. Plusieurs mènent vers de faux articles aux couleurs de laBBC, le diffuseur d’État du Royaume-Uni.

Notons par ailleurs que les arnaques et les offres trompeuses sont déjà interdites sur Facebook, selon les règles de la plateforme. De plus, toute entreprise qui offre des services financiers en cryptomonnaie et qui souhaite diffuser des publicités au Canada doit être enregistrée en tant qu'entreprise de services monétaires auprès du Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE), selon ces mêmes règles.

Si, dans ce contexte, les acteurs malveillants réussissent malgré tout à mettre en ligne leurs publicités visant les Canadiens, comment, alors, un enregistrement auprès de l’AMF serait-il plus efficace qu’un enregistrement auprès du CANAFE pour éradiquer la fraude?

Il est difficile de répondre à cette question puisque les discussions se poursuivent sur le plan international afin de déterminer la meilleure approche, fait savoir l'AMF.

L’approche australienne: attaquer le problème à la source

En Australie, les autorités ont décidé de s’en prendre directement à Facebook dans l’espoir de régler ce problème. En mars dernier, l’équivalent australien du Bureau de la concurrence du Canada a entamé des procédures judiciaires contre Meta, estimant que la société mère de Facebook est complice dans la diffusion des publicités frauduleuses qui appâtent des victimes partout dans le monde en usurpant l’image de célébrités.

L’Australian Competition and Consumer Commission (ACCC) allègue que Meta était au courant de l’ampleur du phénomène sur sa plateforme, mais que l’entreprise n'a pas pris les mesures suffisantes pour résoudre le problème. Les publicités [...] sont restées affichées sur Facebook, même après que des personnalités publiques du monde entier se furent plaintes que leur nom et image aient été utilisés dans des publicités sans leur consentement, peut-on lire dans le communiqué annonçant l’action en justice (Nouvelle fenêtre).

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Cette publicité frauduleuse a récemment été diffusée en Australie.Photo:Capture d'écran

Le nœud de ce dossier, c’est de démontrer si Meta a tout fait en son pouvoir pour empêcher la diffusion de publicités frauduleuses, en conformité avec sa volonté de protéger la sécurité de ses utilisateurs.

Je suis convaincu que ce n'est pas le cas, dit Nicolas Kayser-Bril, reporter à AlgorithmWatch, un organisme à but non lucratif qui vise à améliorer la transparence et la gouvernance des algorithmes. À mon avis, les montants collectés par Facebook pour ces arnaques sont loin d'être négligeables, ajoute-t-il. Donc, ça, c'est une première raison qui permet de comprendre pourquoi Facebook, malgré ses déclarations, n’a pas forcément énormément d'intérêt à lutter contre ces arnaques. Elles sont très rentables.

Un verdict de culpabilité en Australie pourrait ouvrir la porte à des actions juridiques semblables ailleurs dans le monde, selon la professeure Jeannie Paterson, codirectrice du Center for AI and Digital Ethics de l’Université de Melbourne, en Australie.

La plupart des pays permettent à des entreprises comme Facebook de se dédouaner en disant qu'elles ne sont pas responsables du contenu sur leurs plateformes, car elles ne font que relayer celui qui a été créé par les utilisateurs. Ce procès pourrait être très important, parce qu'il pourrait servir de test juridique quant aux responsabilités de plateformes comme Facebook en cette époque de la publicité ciblée, estime MmePaterson, qui étudie notamment le droit des technologies numériques émergentes.

La professeure croit elle aussi que Meta a toutes les capacités pour combattre les publicités frauduleuses d’une manière bien plus efficace qu’elle le fait aujourd’hui, mais que l’entreprise fait preuve d’aveuglement volontaire afin d’engranger des profits.

En gros, Facebook dit qu’elle ne peut pas voir le contenu des publicités et, donc, qu’elle ne peut pas dire qu'il s'agit d'une publicité frauduleuse. Ma réponse à ça serait: "Eh bien, réparez votre technologie!" lance MmePaterson.

«Facebook a entre ses mains des technologies de pointe. Elle investit plus dans la technologie que la plupart des États. Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités.»

Pour Jeannie Paterson, la solution à ce problème est claire: il faut fermer le robinet qui permet aux arnaques d’exister et exiger que les plateformes prennent leurs responsabilités, car ce sont elles qui sont le mieux placées pour y répondre.

Meta a engrangé plus de 113,6milliards de dollars en revenus publicitaires en2022, soit plus de 97% de ses recettes pour l’année. L’entreprise n’a pas voulu divulguer quelle proportion de ces revenus publicitaires était générée par des fraudes, mais elle a soutenu dans une déclaration écrite que les dommages que causent les publicités frauduleuses à Meta sont de loin plus importants que les profits qu’elles produisent.

Le magnat des mines australien Andrew Forrest a d’ailleurs intenté une poursuite semblable contre Meta (Nouvelle fenêtre) en2022. Le milliardaire a crié sur tous les toits pendant trois ans que des publicités frauduleuses se servaient de son image et imploré que Facebook règle le problème. Malgré tout, de telles publicités ont continué à apparaître sur la plateforme.

Facebook n'a pas réussi à mettre en place des contrôles ou une culture d'entreprise qui empêcheraient que ses systèmes soient utilisés pour commettre des crimes, a dénoncé M.Forrest (Nouvelle fenêtre) au moment d’annoncer sa poursuite. Les médias sociaux doivent utiliser beaucoup plus de leurs vastes ressources et de leurs milliards de dollars de revenus annuels pour protéger les personnes vulnérables.

Meta n’a pas commenté les arguments derrière ces deux poursuites. L’entreprise affirme que les publicités frauduleuses ne sont pas les bienvenues sur sa plateforme parce qu’elles ont une incidence négative sur sa communauté, et dit coopérer avec les autorités.

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afp via getty images / OLIVIER DOULIERY

Photo:Les publicités frauduleuses génèrent des revenus pour Facebook. Crédit:afp via getty images / OLIVIER DOULIERY

La fraude payante pour Facebook

L’idée que la fraude est payante pour Meta n’est pas nouvelle. En2019, une enquête de BuzzFeed News (Nouvelle fenêtre) a révélé qu’une firme de marketing derrière un véritable empire d’arnaque en ligne avait dépensé plus de 50millions de dollars en publicités Facebook sur deux ans pour appâter des victimes.

En2020, BuzzFeed News a rapporté (Nouvelle fenêtre) que les arnaques surfant sur le système de publicités de Facebook abondent sur la plateforme et que des modérateurs de contenu publicitaire avaient parfois reçu l'ordre d'ignorer les comportements suspects, à moins qu'ils entraînent des pertes financières pour Facebook. Le média s’était alors entretenu avec huit employés et sous-traitants anciens et actuels, en plus de consulter des messages et des documents internes.

Selon l’enquête, ces problèmes seraient exacerbés par le fait que Facebook se fie à une petite armée de sous-traitants mal payés et sans pouvoir pour gérer un assaut quotidien de décisions de modération des publicités.

À l’époque, le porte-parole de Facebook, Joe Osborne, avait contesté les informations rapportées par BuzzFeed News en affirmant que les mauvaises publicités coûtent de l'argent à Facebook et créent des expériences que les gens ne veulent pas. Nous avons tous les incitatifs–financiers et autres–pour prévenir les abus et offrir une expérience publicitaire positive sur Facebook. Suggérer le contraire est une méconnaissance fondamentale de notre modèle commercial et de notre mission, avait-il déclaré.

Le cas des arnaques à la cryptomonnaie est une preuve supplémentaire que le profit est ce qui prime pour Meta, selon Nicolas Kayser-Bril. Il cite en exemple ce qu’il estime être un manque d’effort de l’entreprise pour lutter contre l’une des techniques communément employées par les arnaqueurs pour déjouer les algorithmes de détection de publicités frauduleuses de Facebook, nommée cloaking en anglais.

Le cloaking, c'est un terme technique qui signifie mettre une cape d'invisibilité, explique le journaliste spécialisé. L'idée, c'est qu'en tant qu’arnaqueur, vous présentez à Facebook l'adresse de votre site web, et les robots de Facebook qui sont censés vérifier le contenu vont atterrir sur un site banal. Les autres visiteurs qui cliquent sur la publicité vont aller au site d’arnaque. C'est une technique facile à employer, et on peut faire ça quasiment sans aucune compétence technique.

Facebook a annoncé en août 2017 (Nouvelle fenêtre) qu’il ne tolérerait pas le cloaking sur sa plateforme, s’engageant à lutter fortement contre le phénomène. Pourtant, les publicités existent toujours, fait remarquer Nicolas Kayser-Brill. Il est très clair, de ce que j'ai pu constater en suivant le sujet ces dernières années, que les efforts de Facebook sont très, très, très restreints.

Une machine bien huilée

Derrière ces publicités se cache une véritable industrie de la fraude qui trouve ses racines en Israël. Comme nous le rapportions l’an dernier, il s’agit d’une machine bien huilée qui roule à l'international depuis au moins 10ans. Un véritable Uber de la fraude, comme nous l’expliquait la journaliste israélienne Simona Weinglass, qui couvre ce stratagème frauduleux depuis quelques années.

À l’origine, les fraudeurs derrière ce système proposaient des investissements en options binaires, en quelque sorte un pari sur la performance de certains cours en bourse. En 2017, Israël a banni ce type d’investissement. Les fraudeurs ont alors exporté leur modèle d’affaires et établi des centres d’appels en Europe centrale et de l’Est; c’est là que sont principalement situés les conseillers financiers qui convainquent les victimes de vider leurs comptes en banque. Ils se sont aussi tournés vers un nouvel appât juteux pour piéger leurs victimes: les cryptomonnaies.

Ces opérations criminelles sont massives. En janvier dernier, nous avons pu identifier, à l’aide de l’outil d’analyse DomainTools, une trentaine de sites web frauduleux– tous hébergés en Lituanie– qui sont associés à ces stratagèmes. Au début mars, tous avaient déjà été supprimés. Ce qui complique le travail des autorités: aussitôt qu’un de ces sites est ajouté aux listes d’avertissement des autorités financières, il disparaît. D’autres prennent alors sa place.

Le casse-tête se corse lorsqu’on comprend que ce ne sont pas ces groupes criminels eux-mêmes qui diffusent les publicités sur Facebook. Celles-ci forment en fait une tout autre industrie connexe très lucrative pour ceux qui les publient.

Ces publicités fonctionnent selon le principe du marketing d’affiliation. Les groupes criminels forment des partenariats avec des entreprises de marketing d’affiliation pour attirer des victimes vers leur stratagème frauduleux. Les entreprises en question recrutent des affiliés–en quelque sorte des sous-traitants–pour en faire la promotion.

Ce sont ces affiliés, souvent de jeunes hommes habitant dans des pays comme le Pakistan et le Bangladesh, qui diffusent les publicités sur les réseaux sociaux. Chaque fois qu’une victime clique sur une publicité, qu'elle entre ses informations personnelles et qu'elle effectue un premier dépôt de 250$ au minimum, l’affilié qui a diffusé la publicité reçoit un montant en guise de rémunération.

Le marketing d’affiliation est une pratique légitime, mais qui est aussi souvent associée à des stratagèmes frauduleux et à des arnaques. Les affiliés peuvent s’inscrire à des plateformes où ils peuvent trouver des offres dont ils pourront faire la promotion. Sur les plateformes en question, on peut apercevoir plusieurs offres liées à des investissements douteux en cryptomonnaie, mais aussi à des suppléments nutritionnels, à des produits du cannabis et à des casinos en ligne, entre autres exemples.

Nous avons pu constater que, depuis l’an dernier, les offres promotionnelles liées à ces cryptoarnaques ont réussi à dominer complètement le marché sur certaines plateformes de marketing d’affiliation. Ces offres non seulement sont plus nombreuses que les autres catégories, mais les récompenses offertes sont aussi beaucoup plus alléchantes. Les affiliés qui réussissent à convaincre une victime de faire affaire avec un de ces centres d’appels frauduleux peuvent empocher jusqu’à 1200dollars américains (1600dollars canadiens) par victime.

D’ailleurs, un des groupes criminels qui sollicitent ainsi des affiliés affirme qu'il possède plus de 25centres d’appels pouvant traiter des clients parlant plusieurs langues, 24heures par jour et 7jours sur7. En un clic, les affiliés peuvent ajouter un lien dans leur publicité pour envoyer la victime vers la fraude. La page d’accueil s’ajuste automatiquement à la langue et la localisation de la victime.

Cet outil achemine le trafic que vous générez directement aux centres d’appels qui convertissent le mieux [qui réussissent à convaincre les victimes d’investir] selon un modèle statistique pour s’assurer que vous empochez les meilleurs profits, assure l’annonce.

La police s’active en Europe

Depuis deux ans, Europol, l’agence européenne de police, mène un combat contre les centres d’appel au cœur de cette fraude.

En avril2022, Europol a effectué une descente dans trois centres d’appels en Lituanie et en Lettonie, arrêtant au passage 108personnes. En novembre, ce sont 15centres d’appels situés en Albanie, en Bulgarie, en Géorgie, en Macédoine et en Ukraine, tous appartenant à la même opération, qui ont reçu la visite d’Europol et de divers corps policiers dans une action coordonnée.

Plus récemment, en janvier, Europol a mené un coup de filet contre quatre centres d’appels en Serbie, ainsi que contre d’autres bureaux à Chypre et en Bulgarie liés au même groupe criminel. Ce dernier aurait aussi fait des victimes au Canada.

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Malgré ces actions, Europol reconnaît qu’il reste beaucoup de travail à faire.

Ça n'arrête pas, malheureusement. On descend ces centres d’appel et on en a d'autres qui apparaissent après. C'est un peu une fuite en avant, actuellement, se désole Claire Georges, porte-parole adjointe du corps policier.

C’est pourquoi Europol tente plutôt de sévir contre les têtes pensantes derrière cette fraude, des groupes criminels qui peuvent détenir plusieurs de ces centres d’appel. Le groupe établi en Lituanie et en Lettonie, par exemple, générait plus de 100millions d’euros (145millions de dollars canadiens) par mois avant qu’Europol ne le force à mette la clé sous la porte, selonMme Georges. Ce type de fraude représente une grande proportion de la fraude économique en Europe, poursuit-elle.

Ce sont effectivement des enquêtes compliquées qui peuvent prendre plusieurs mois, voire plusieurs années à mener, car nous faisons face à des groupes criminels très sophistiqués qui opèrent à travers plusieurs frontières, plusieurs juridictions, explique la porte-parole.

Europol doit donc compter sur la coopération des quelque 50pays partenaires, dont le Canada, qui détient d’ailleurs un bureau de liaison au siège social d’Europol aux Pays-Bas. MmeGeorges maintient que le Canada est un partenaire très important, et que des agents de la GRC transmettent de l’information à Europol.

Ce dont on s'est rendu compte, c'est que la coopération internationale est la clé pour pouvoir à la fois descendre ces centres d'appels, mais aussi arrêter les groupes criminels qui travaillent derrière, explique MmeGeorges.

Sans pouvoir donner de détails, MmeGeorges a assuré que d’autres descentes dans ces centres d’appels qui mènent ce type de fraude étaient prévues dans les prochains mois.

À Europol, avec les partenaires, nous travaillons de manière concertée pour leur envoyer un message très fort que les forces de l'ordre sont aussi capables de travailler sans connaître de frontières, résume-t-elle.

Des drapeaux rouges à surveiller

  • Les rendements promis sont inespérés et rapides.
  • On vous propose d’investir d’abord 250$.
  • Le conseiller financier veut prendre le contrôle de votre ordinateur à distance.
  • Il est impossible de le voir ou de le rencontrer en personne.
  • Il insiste sur l’urgence d’investir massivement.
  • Il vous déconseille de parler à vos proches ou à votre institution financière de vos investissements.

Quelques ressources

Que faire si vous êtes victime d’une fraude à l'investissement?

Quelques trucs pour éviter les pièges

  • Faites affaire avec une entreprise seulement si elle est inscrite au registre des organismes de réglementation. Vérifiez à partir du moteur de recherche de l’Autorité canadienne en valeurs mobilières (Nouvelle fenêtre).
  • Si la personne ou l’entreprise y figure, communiquez directement avec elle en composant le numéro de téléphone de la base de données. Cette démarche permet de confirmer son identité.
  • Ne croyez pas tous les messages positifs qui figurent sur des sites de commentaires.
  • Ne dévoilez jamais de renseignements personnels et n'effectuez jamais de paiement avant d'avoir effectué ces vérifications.

Besoin d’aide pour vous ou un proche?

Ligne québécoise de prévention du suicide : 1 866-APPELLE (277-3553). Ce service est offert partout au Québec, 7jours sur7, 24heures sur24.

Il est aussi possible d’utiliser la plateforme d’intervention par clavardage en visitant le site suicide.ca (Nouvelle fenêtre).

SOURCES : Autorités canadiennes en valeurs mobilières, Centre antifraude du Canada

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Author: Gov. Deandrea McKenzie

Last Updated: 02/11/2023

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